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«Il est vrai que le demandeur n’a pas lu la police d’assurance transmise une fois la souscription effectuée. Cependant, l’époque où les tribunaux exigeaient de l’assuré qu’il en prenne connaissance semble aujourd’hui révolue.»
EYB 2020-353468 – Résumé
Cour du Québec
(Chambre civile)
Scheubel c. SSQ Groupe financier
200-22-085287-191 (approx. 21 page(s))
24 avril 2020
Décideur(s)
Brunelle, Christian
Type d’action
DEMANDE en dommages-intérêts fondée sur la faute contractuelle d’un assureur. ACCUEILLIE en partie.
Indexation
ASSURANCES; FORMATION ET CONTENU DU CONTRAT; OBLIGATION DE RENSEIGNEMENT DE L’ASSUREUR; PERSONNES; CONTENU DE LA POLICE; OBLIGATIONS; CONTRAT; FAUTE; PRÉJUDICE; EXÉCUTION; DOMMAGES-INTÉRÊTS; assurance-voyage; couverture de 180 jours demandée par l’assuré; couverture de 30 jours obtenue sans que l’assuré ne s’en rende compte; préjudice matériel relié aux frais hospitaliers assumés aux États-Unis; stress et inconvénients;
Résumé
Le demandeur réclame de son assureur la somme de 71 518,80 $, alléguant que ce dernier a manqué à son devoir d’information et de conseil à son endroit, ce qui l’a privé d’une indemnité d’assurance à laquelle il prétend avoir droit. En prévision de sa retraite, le demandeur souhaitait maintenir en vigueur les avantages découlant de l’assurance collective souscrite par son employeur, laquelle inclut une couverture globale de 5 M$ et une assurance-voyage pour une durée de 180 jours par voyage. Il est informé par l’assureur de la possibilité de deux plans d’assurance-santé individuelle, lesquels incluent tous deux l’assurance-voyage pour une durée de 180 jours. En communiquant avec l’assureur pour souscrire à l’un de ces régimes d’assurance, il a simplement indiqué vouloir bénéficier du plan « le moins cher ». Ce qu’il ignorait, c’est qu’il existait un troisième plan encore moins cher que les deux autres, lequel comprenait une assurance-voyage pour une durée de 30 jours seulement. En demandant de souscrire au plan « le moins cher », il s’est donc trouvé à choisir en réalité un régime d’assurance qui ne lui convenait pas au niveau de la durée du voyage. Ce n’est que lors de l’un de ses voyages aux États-Unis, alors qu’il a dû être hospitalisé à la suite d’un malaise, que le demandeur apprit l’étendue de la couverture d’assurance souscrite, l’assureur refusant de lui rembourser les frais hospitaliers engagés.
Le fait que l’assureur n’ait pas informé le demandeur de l’existence du troisième régime d’assurance découle d’une stratégie marketing de sa part, incitant les futurs retraités à choisir parmi les régimes d’assurance les plus dispendieux. Ce faisant, l’assureur n’a pas respecté son obligation d’information, ce qui a eu pour effet d’induire son assuré. Dans l’esprit du demandeur, les deux seules options dont il croyait disposer l’assuraient d’une protection d’assurance adéquate lors de ses séjours prolongés aux États-Unis, et ce, quel que soit son choix. Toute la conversation qui va suivre avec la préposée de l’assureur va reposer sur ce malentendu. En aucun temps cette dernière ne va informer le demandeur de la nature de la couverture souscrite. Le fait que l’assuré soit en apparence certain de son choix quant à ses besoins ne dispense pas l’assureur de son obligation de le conseiller adéquatement. Il est vrai que le demandeur n’a pas lu la police d’assurance transmise une fois la souscription effectuée. Cependant, l’époque où les tribunaux exigeaient de l’assuré qu’il en prenne connaissance semble aujourd’hui révolue. L’assureur a donc engagé sa responsabilité en induisant le demandeur en erreur et en ne respectant son devoir d’information auprès de ce dernier.
Considérant la faute de l’assureur, le demandeur est en droit d’obtenir le remboursement des frais hospitaliers engagés lors de son voyage, s’élevant à 42 159,96 $, de même que le remboursement des primes totalisant la somme de 1 130,62 $ assumée pour obtenir une protection d’assurance auprès d’une autre compagnie pour le reste du voyage. Le demandeur tente de plus à être indemnisé pour son préjudice futur, lequel résiderait dans l’augmentation de sa nouvelle prime d’assurance par rapport à celle qu’il avait avec l’assureur présentement poursuivi. Or, les deux assurances souscrites n’offrent pas les mêmes avantages et ne peuvent être comparées strictement sur la base du montant de leur prime mensuelle. Le préjudice futur allégué par le demandeur est incertain et repose sur une évaluation subjective sans reposer sur une probabilité sérieuse. Par ailleurs, une somme de 5 000 $ lui est octroyée à titre d’indemnité pour les troubles et inconvénients subis. En effet, le contrat liant les parties avait pour objet d’assurer au demandeur un avantage psychologique particulier résidant dans la tranquillité d’esprit conférée par l’assurance souscrite, ce qu’il n’a pas obtenu en l’espèce.
Jurisprudence citée
1. | 169912 Canada inc. c. Compagnie d’assurance-vie Transamerica du Canada, EYB 2005-87484, [2005] R.R.A. 743, J.E. 2005-926 (C.S.) |
2. | Baril c. Industrielle, Compagnie d’assurance sur la vie, EYB 1991-63821, 1991 CanLII 3566, J.E. 91-498 (C.A.) |
3. | Beaudoin c. Compagnie mutuelle d’assurances Wawanesa, EYB 2013-226216, 2013 QCCS 4143, J.E. 2013-1680 (C.S.) |
4. | Beausoleil c. SSQ, société d’assurances inc., C.Q. Joliette, no 705-32-016114-172, 1 mai 2019, j. Bachand, 2019 QCCQ 2838 |
5. | Cohen c. Lloyd’s Underwriters, EYB 2019-308487, 2019 QCCS 826 (C.S.) |
6. | De Serres c. De Serres, EYB 2019-320501, 2019 QCCA 1727 (C.A.) |
7. | Excellence, compagnie d’assurance-vie c. L. (D.), EYB 2009-155000, [2009] R.R.A. 86, 2009 QCCA 338, J.E. 2009-424 (C.A.) |
8. | Fidler c. Sun Life du Canada, compagnie d’assurance-vie, [2006] 2 R.C.S. 3, 2006 CSC 30, EYB 2006-107056, [2006] R.R.A. 525, J.E. 2006-1316 |
9. | Fletcher c. Société d’assurance publique du Manitoba, [1990] 3 R.C.S. 191, EYB 1990-67585, J.E. 90-1652 |
10. | G.G. c. SSQ, société d’assurance-vie, C.Q. Abitibi, no 605-32-700006-173, 9 juin 2017, j. Bigué, 2017 QCCQ 9442 |
11. | Girard c. Desjardins Sécurité financière, EYB 2011-196560, 2011 QCCQ 9896, J.E. 2011-1600 (C.Q.) |
12. | Lebel c. Compagnie d’assurance-vie RBC, EYB 2009-156589, [2009] R.R.A. 634, 2009 QCCS 1204, J.E. 2009-754 (C.S.) |
13. | Leboeuf c. Richard, EYB 2001-29980, 2001 CanLII 302, J.E. 2002-502 (C.S.) |
14. | Oppenheim c. Touchette, EYB 2016-262385, 2016 QCCA 326, J.E. 2016-384 (C.A.) |
15. | R. (P.) c. RBC, compagnie d’assurance-vie, EYB 2009-165631, [2009] R.R.A. 1159, 2009 QCCS 4899, J.E. 2009-2049 (C.S.) |
16. | Robinson c. Lefebvre, EYB 2014-239014, 2014 QCCS 3045, J.E. 2014-1392 (C.S.) |
17. | Roy c. Lefebvre, EYB 2016-264783, 2016 QCCA 660, J.E. 2016-731 (C.A.) |
18. | S.C. c. SSQ, société d’assurance-vie inc., EYB 2019-312105, 2019 QCCQ 3008 (C.Q.) |
19. | Tardif c. Succession de Dubé, EYB 2018-302676, 2018 QCCA 1639 (C.A.) |
20. | Touchette c. Oppenheim, EYB 2014-245758, 2014 QCCS 6039, J.E. 2015-136 (C.S.) |
21. | W. (R.) c. Industrielle Alliance, EYB 2011-192859, 2011 QCCS 3314, J.E. 2011-1374 (C.S.) |
Doctrine citée
1. | BAUDOUIN, J.-L. et JOBIN, P.-G., Les obligations, 7e éd. par Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2013, 1934 p., no 314, p. 413-414 |
2. | GARDNER, D. et MOORE, B., « La responsabilité contractuelle dans la tourmente », (2007) 48 (no 4) C. de D. 543, 575 |
3. | GARDNER, D., Le préjudice corporel, 4e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016, no 46, p. 81-82, no 66.1, p. 113 |
4. | LANCTÔT, S., Les représentants en assurance: pouvoirs de représentation et obligations, Markam (Ontario), Lexis Nexis, 2007, p. 114 |
5. | LLUELLES, D. et MOORE, B., Droit des obligations, 3e éd., Montréal, Thémis, 2018, 2546 p., no 2001, p. 1152, nos 2002-2003, p. 1153 |
6. | PICHÉ, C., La preuve civile, 5e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 2016, 1674 p., no 170, p. 114 |
Législation citée
1. | Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1375, 1607, 1611, 1613, 1619, 2389, 2392, 2803, 2804 |
2. | Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, art. 85, 86 |
3. | Loi sur la distribution de produits et services financiers, RLRQ, c. D-9.2, art. 2, 27 |