Assurance collective – invalidité – impossibilité pour l’assureur d’écarter l’opinion du médecin traitant de son assuré sans par ailleurs soumettre ce dernier à une contre-expertise

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EYB 2008-151508

Cour du Québec
(Chambre civile)

Lapierre c. Industrielle Alliance, assurances et services financiers inc. 
450-32-012962-080
10 octobre 2008

Décideur(s)
Roberge, Yvon

Type d’action

ACTION en réclamation d’une indemnité de remplacement du revenu. ACCUEILLIE en partie. ACTION en garantie. ACCUEILLIE.

Indexation
TRAVAIL; ASSURANCE COLLECTIVE; ASSURANCES; PERSONNES; INVALIDITÉ DE COURTE DURÉE;  refus injustifié de l’assureur de payer à son assuré l’indemnité de remplacement du revenu réclamée; invalidité de courte durée; fatigue extrême; épuisement; irritabilité; symptômes résultant d’un accident d’automobile survenu l’année d’avant; rechute imputable à la même cause que celle de l’invalidité antérieure; stress; douleurs résiduelles; impossibilité pour l’assureur d’écarter l’opinion du médecin traitant de son assuré sans par ailleurs soumettre ce dernier à une contre-expertise; absence de compétence des représentants de l’assureur pour réfuter les conclusions d’un médecin traitant; droit de l’assuré à une indemnité globale de 3 784 $;  PROCÉDURE CIVILE; INCIDENTS; INTERVENTION FORCÉE; APPEL EN GARANTIE;  employeur tenu d’indemniser la compagnie d’assurance de la condamnation prononcée contre elle

Résumé
En avril 2005, le demandeur a été victime d’un accident d’automobile et il s’est fracturée la cheville. Il travaillait alors chez la défenderesse en garantie, Bombardier Produits Récréatifs Inc. (BRP) et bénéficiait d’un régime d’assurance invalidité géré par la défenderesse et demanderesse en garantie, Industrielle Alliance. Il est retourné au travail en novembre 2005. Le 27 septembre 2006, son médecin l’a toutefois mis au repos pour une période d’environ quatre semaines. Il souffrait alors de douleurs persistantes à sa cheville, d’irritabilité, de stress et d’épuisement. Deux jours auparavant, son employeur lui avait remis une lettre lui reprochant son taux d’absentéisme élevé. On lui rappelait également que des clients s’étaient plaints de son manque de patience et de son ton brusque. L’employeur avait alors requis qu’il fournisse dorénavant des pièces justificatives pour toute absence. Après avoir examiné la demande d’indemnisation du demandeur, Industrielle Alliance l’a refusée sous prétexte qu’il n’y avait eu aucun changement dans sa situation pouvant lui donner droit à une indemnité de remplacement du revenu et parce qu’elle était d’avis que, selon son dossier médical, il n’était pas inapte à faire son travail. Le 9 février 2007, le médecin traitant du demandeur a écrit une longue lettre à Industrielle Alliance pour lui expliquer les motifs de sa décision de mettre son patient au repos, espérant ainsi qu’elle change sa décision. Industrielle Alliance n’a pas tenu compte de cette lettre.

Le demandeur n’a pu se présenter au travail pour des raisons médicales pendant 43 jours. Il a fourni les documents justificatifs requis par l’employeur dans sa lettre du 25 septembre. Le 22 octobre, il a repris son travail à raison de deux jours par semaine pendant quatre semaines. À compter du 20 novembre, il a travaillé trois jours par semaine. Industrielle Alliance, pour statuer que le demandeur était apte au travail durant cette période, a invoqué les définitions de maladie et d’invalidité. Dans les faits, il appert toutefois qu’elle a simplement écarté l’opinion médicale fournie par le médecin traitant de son assuré, sans par ailleurs demander que celui-ci se soumette à une contre-expertise. Pourtant, aucun des représentants d’Industrielle Alliance, qu’ils soient analystes au service des règlements ou agents d’indemnisation, ne possède les qualifications, les connaissances ou l’expertise requises pour réfuter les conclusions ou opinions d’un médecin. Qui plus est, la preuve révèle que la lettre de l’employeur du 25 septembre visait en réalité à congédier le demandeur. La représentante d’Industrielle Alliance l’a implicitement admis en déclarant que BRP lui avait demandé de «scruter« les demandes d’indemnité du demandeur. BRP pouvait congédier son employé pour une cause suffisante, mais elle devait le faire dans le respect de la loi.

Les calculs réalisés à l’audience révèlent que le demandeur a droit à une indemnité globale de 3 804 $. Son action est donc accueillie jusqu’à hauteur de ce montant. BRP devra indemniser Industrielle Alliance de la condamnation prononcée contre elle.

Législation citée

1. Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64, art. 1619